Une gouvernance de la peur

[Rédigé en janvier 2021 au cœur de la crise sanitaire, l’essentiel des thèmes est toujours d’actualité]

Alors que la peur est aveuglante, qu’elle est toujours mauvaise conseillère, c’est pourtant un discours de peur qui est propagé par tous les gouvernements. « Le virus tue », « on a raison d’avoir peur », mais comme le dit Jésus dans les Évangiles : « Quand un aveugle conduit un autre aveugle, ils vont tomber tous les deux dans un trou! ».

À cela s’ajoutent les médias de masse faiseurs d’opinion qui s’alignent tous sur les gouvernements (on les appellera médias oligarchiques parce qu’ils sont aux mains de milliardaires et servent les intérêts des puissances régnantes). Pour ces médias, la peur se vend beaucoup mieux que la confiance et la sérénité, si bien qu’ils ont un effet d’inflation et de contagion sans précédent de la peur collective.

Le résultat est qu’on a affaire à la propagation d’un virus de la peur bien plus que d’un virus de la grippe, avec l’explosion d’un fantasme de peur collective complètement disproportionné par rapport à la réalité du risque. Et ce fantasme entraîne des mesures sanitaires de confinement et de blocage économique qui vont s’avérer être un remède bien pire que le mal.

S’il est certain que médias et gouvernements peuvent manipuler la peur pour contraindre les peuples à se soumettre docilement à des restrictions indésirables et liberticides, la peur présente reste avant tout un indicateur de l’état général de nos sociétés occidentales.

Nous vivons dans notre zone de confort depuis si longtemps que ça nous a rendus extrêmement fragiles et désemparés face à la survenue de l’imprévisible sur lequel nous n’avons pas le contrôle. Nos sociétés occidentales reposent sur le culte de la croissance infinie qui refoule la réalité de la mort en bannissant toute forme de déclin et de déchéance. Et devant cette crise qui nous rappelle la réalité de la mort avec laquelle nous n’avons pas appris à composer et à nous réconcilier, c’est l’anxiété, l’angoisse de l’inconnu, le désarroi, la paralysie, la confusion et l’inconscience qui l’emportent.

mmPour avoir été entièrement façonnées par la peur collective, les basses villes étaient littéralement pétries de peur, mais une peur endormie, figée sous les milliards de tonnes de béton rassurant. Tandis que c’était encore la peur qui régissait leur organisation interne, la dynamique de la peur qui ordonnait et propulsait leur mouvement d’ensemble. […] Entre le premier et le dernier niveau s’établissait alors une véritable hiérarchie de la peur. Plus on descendait, moins elle était apparente, mieux elle était anesthésiée, endormie. Mais aussi plus on descendait, plus cette peur dormante était profonde, et plus couvait en elle de démence et d’aveuglement. Le niveau le plus profond était donc celui où régnait la peur la plus profonde qui commandait les décisions les plus aveugles et les plus démentes, celles-là mêmes qui permettaient de jouir du fantasme de protection et de sécurité le plus abouti en concentrant la soif de profit et de pouvoir la plus exacerbée. Or l’élite régnante résidait fatalement toujours au dernier niveau. C’était là, du fond de cet abri absolu où les répercussions désastreuses de leurs actes n’avaient pas la moindre chance de pénétrer, que les maîtres des grandes loges, les magnats marchands et les potentats industriels présidaient au sort de l’humanité. (AdM vol I p176)

mmUngern était à la fois le fléau de la peur collective et son remède. Il allumait d’insignifiants feux de brousse, un attentat par-ci, une alerte à la bombe par-là, quelques poignées de microbes dans les conduites d’aération, incidents minuscules que sa loge [chaîne TV] amplifiait, ressassait, créant une atmosphère menaçante que la rumeur cubique reprenait, amplifiait et ressassait à son tour. De cette façon, il s’alliait le soutien des loges concurrentes qui ne pouvaient que relayer cette menace fantôme présente sur toutes les lèvres en y ajoutant leurs propres révélations exclusives. […]
mmDans cet univers de faux-semblant généralisé, ceux qui savaient tirer les meilleures ressources d’un public incapable de discerner les faits réels de la fiction détenaient les clés de la réussite. Or à ce jeu-là personne n’égalait Ungern. C’est pourquoi lorsqu’il déclenchait ses minuscules feux de brousse, seul lui importait la quantité de fantasmes qui leur seraient associés, car il savait que plus cette quantité de fantasmes enflerait, meilleure serait sa moisson d’audimètre. La manœuvre était toujours identique. Une fois que le public avait mordu à l’hameçon de la peur, il n’était plus en état de distinguer si l’origine de la menace était réelle ou fantasmée. Parce que le réveil de sa peur était lui bien réel, palpable et indéniable, il suffisait à le convaincre que la menace qui l’avait provoqué était tout aussi réelle. (
AdM vol I p183)

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