L’auteure, d’abord désignée par ses initiales C. S. avant de prendre le nom de Sarasvati, est née en France dans les années 60. Passionnée de littérature et de philosophie depuis l’adolescence, son parcours universitaire la dirige vers l’agrégation et le professorat. Elle enseigne en Lycée durant huit années, menant une existence bien rangée où elle s’exerce à l’occasion à la création littéraire en publiant quelques nouvelles dans des revues au succès confidentiel.
Puis tout s’arrête à l’âge de trente-trois ans. En proie à une crise existentielle où elle lutte depuis plusieurs semaines contre une sourde montée d’angoisse, cette angoisse la submerge tout à coup sous la forme d’une peur fondamentale si absolue qu’elle ne peut que sombrer en elle. La rencontre avec sa peur fondamentale la plonge dans un abîme qui va littéralement l’atomiser, réduisant en cendres son existence en effaçant toute sa mémoire jusqu’à la mémoire de son nom.
Comme elle le décrira par la suite, ce qui reste d’elle après cet effacement total de sa mémoire est un espace de conscience vierge et vide sans plus personne pour exister, mais aussi sans plus la moindre trace de peur, un espace ouvert infiniment paisible ou règne seulement la félicité. Puis, comme émergeant de l’océan de sa propre conscience infinie, elle va renaître à une vie nouvelle en repassant par la même sensation du nouveau-né s’éveillant pour la première fois à la vie avec une conscience neuve, une mémoire vierge et vide. Dans cette renaissance, alors qu’elle n’a plus d’identité propre parce qu’il ne subsiste plus rien d’elle pour seulement se rappeler son nom, au cours des semaines suivantes, sa mémoire se reconstitue graduellement sans effort de sa part, lui rendant peu à peu tous les repères de son existence passée.
L’auteure a traversé ce qu’on appelle une NDE (Near Death Experience, ou en français EMI, Expérience de Mort Imminente). Si elles sont le plus souvent provoquées par un arrêt momentané des fonctions cardiaques et cérébrales lié à un accident corporel, certaines se déclenchent sans perturbation physique apparente. Pour la plupart des personnes qui ont vécu ces expériences, leur existence s’en trouve bouleversée à jamais. Elles en ressortent avec la sensation que le monde s’est retourné comme une crêpe. La réalité de la mort qu’elles ont expérimentée directement les rend très conscientes de la nature éphémère de l’existence terrestre, ce qui les incite à se détourner des ambitions frivoles du monde pour se consacrer à l’essentiel : l’amour, le pardon, la bienveillance, la fraternité, la gratitude, la joie.
Mais cette révolution à 180° ne se fait pas sans douleur ni difficulté. Elles subissent souvent l’incompréhension de leur entourage, avec une sensation d’isolement pour ne pas pouvoir communiquer leur expérience. Leur changement irréversible induit un changement dans leurs relations qui ne sont plus sur la même longueur d’onde, conduisant à des éloignements et des séparations, mais le changement s’opère aussi dans leur statut social et professionnel quand il n’est plus compatible avec leur nouveau ressenti.
C’est exactement ce qui s’est produit avec Sarasvati. Elle s’efforce d’abord tant bien que mal de poursuivre son ancienne vie, ce qui l’enferme dans une période de flottement et d’incertitude dans laquelle ses anciens repères et valeurs s’effondrent toujours plus. À la fin il n’en reste plus que des cendres, et elle se voit obligée de quitter l’enseignement.
Deux ans avant cette fracture, elle avait commencé la rédaction d’un roman qui lui tenait à cœur mais qui progressait très laborieusement. Pendant sa NDE, l’espace vide dans lequel elle s’est fondue l’a fécondée d’une immense vision qui l’a traversée comme l’éclair, et elle réalise après coup que cette vision est directement liée à ce qui lui tenait à cœur dans le roman mais qu’elle ne parvenait pas à faire émerger faute d’inspiration.
Elle sait alors avec une certitude absolue qu’elle est enceinte de ce livre commencé deux ans plus tôt, un livre qui va bientôt occuper tout son espace. L’immense vision qui l’a traversée est pleine d’un sens profond qui demande à être exhumé, mais aussi d’une énergie vitale où la flamme de l’inspiration commence déjà à animer son travail d’écriture. Sauf que l’essentiel de sa vision s’est résorbé dans la vacuité, dans le lieu vide d’une mémoire originelle qu’il lui faut alors retrouver.
C’est ainsi que débute l’aventure intérieure de la création de L’Appel de Mongo, correspondant à un long travail de réminiscence qui s’étendra sur plus de vingt années avant que Sarasvati ne parvienne à se délivrer du livre. Et elle ne va pas s’y consacrer à ses heures perdues mais de tout son être. La création de L’Appel de Mongo devient sa passion exclusive, sa vocation, son sacerdoce, tout autant qu’une pratique spirituelle quotidienne consistant à rester connectée à la Source originelle de sa vision qui la nourrira et la transformera en profondeur durant tout le processus créatif.
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Le livre est achevé en 2015. Pensant disposer d’une introduction auprès de deux grands éditeurs qui ont remarqué favorablement ses nouvelles vingt ans auparavant, elle leur envoie le manuscrit complet par la poste. Mais le retour est aussi brutal qu’implacable. Les deux éditeurs considèrent que sa taille imposante (4/5ème de Guerre et Paix de Tolstoï) le rend impubliable pour une auteure inconnue du public, l’investissement en temps de lecture et préparation étant à leurs yeux trop important pour le peu de bénéfice attendu d’un premier roman. Le manuscrit lui est retourné sans avoir été lu ni même pris connaissance de son propos.
Après avoir vécu dans l’intimité du livre durant toutes ces années, Sarasvati ne se sent pas la disposition de démarcher auprès d’autres éditeurs. Mais pour ne pas laisser le manuscrit dormir au fond d’un tiroir, elle en propose la lecture à deux connaissances proches qui se montrent très enthousiastes. D’autres lectures confidentielles suivent où après des tâtonnements initiaux, se dessine peu à peu l’idée de créer une association dédiée à la promotion de L’Appel de Mongo.
Soulagée et heureuse de savoir le manuscrit confié en de bonnes mains, l’auteure quitte la France pour s’établir dans une communauté spirituelle en Inde où le nom de Sarasvati lui a été attribué. Elle y réside en permanence depuis 2016, ayant pris des vœux monastiques pour une retraite qui se veut définitive et qu’elle ne quittera que dans la mort.