Premier acte de la Révolution : Libération de la monnaie

par | Oct 16, 2015 | 3 commentaires

Ou la nécessaire appropriation du pouvoir de création monétaire par le collectif humain

Dans le cadre de l’inauguration de la monnaie locale citoyenne de Strasbourg, le Stück, que nous soutenons vivement, nous proposons d’accompagner son développement par une réflexion et une information approfondie sur le puissant mouvement d’appropriation de l’usage de la monnaie par la société civile qui est en train d’émerger sur toute la planète. Nous sommes d’ores et déjà convaincus qu’il s’agit d’un pari pascalien dans lequel à court, moyen et long terme nous avons tout à gagner et rien à perdre de nous y engager, tandis qu’en l’ignorant ou en le négligeant, nous avons collectivement et individuellement tout à perdre et rien à gagner. Aussi nous souhaitons faire œuvre d’éclairage pédagogique en présentant les bienfaits que nous pourrions retirer à nous investir massivement dans ce mouvement d’appropriation citoyen, pour ses bénéfices concrets déjà actifs mais plus encore pour ses potentialités d’émancipation fascinante qu’il ouvre sur notre futur partagé.

1 – Partir du constat de l’impossibilité de changer le système financier par le haut.

Plus personne ne conteste le fait que les nations ont perdu leur souveraineté pour être devenues dépendantes du bon vouloir des marchés financiers. Les dernières crises financières ont également montré l’inclination de tous les gouvernements de ces nations à servir d’abord les intérêts de l’élite régnante au détriment de l’intérêt général des citoyens, perpétuant la funeste privatisation des bénéfices et mutualisation des pertes. Le constat d’une oligarchie financière ayant infiltré tous les instruments du pouvoir est plus que jamais avéré, et c’est pourquoi nous vivons dans un monde qui protège et accroît les privilèges des fameux 1% de l’humanité la plus riche possédant près de la moitié des richesses planétaires au détriment du reste de l’humanité.

Dans ces conditions (rappelons entre autres que le patron de la Banque Centrale Européenne est un ancien de Goldman Sachs, c’est-à-dire un exfiltré du plus grand requin financier de la planète qui ne prendra jamais de décision à l’encontre de Wall Street), peut-on encore décemment attendre de l’autorité politique des actions et solutions pour réformer le système financier en profondeur à l’avantage des nations et de leurs citoyens ?

En se proposant de traiter le problème par le haut, à l’échelle des représentants de la puissance publique, nous ne manquons pas de solutions avisées revendiquées par une multitude d’économistes audacieux qui ne se reconnaissent pas dans les valeurs des élites et qui par conséquent se montrent véritablement soucieux du bien commun et de justice sociale.

La question n’est pas ici de décider quelle est la meilleure de leurs solutions, la plus pertinente et la plus efficace, car bien évidemment elles contiennent des failles, des risques et d’éventuelles embûches qui méritent d’être examinés et corrigés. Mais la question est celle de l’existence d’une volonté politique véritable de les prendre en considération, car quels que soient leurs attraits et leurs défauts sur le papier, pouvoir impulser un mouvement pour les déployer serait dans tous les cas de figure infiniment plus bénéfique que de maintenir le statut quo actuel, cette reprise en main de la puissance financière par une institution politique rendue à l’intérêt général étant la clé sans laquelle aucune de ces solutions ne pourront jamais voir le jour. Quant à discuter de leur caractère irréaliste, utopiste ou à haut risque, c’est assurément un faux problème, car dès lors que le désir collectif de les mettre en œuvre est activé, les solutions innovantes s’immergent tout naturellement dans le Vivant du corps social qui se charge de les rectifier, les adapter, les affiner au mieux de leur déploiement organique pour un fonctionnement efficace optimal.

Ce n’est donc pas le manque de solutions qui nous paralyse face à la domination de la puissance financière, mais bien une absence de volonté politique venue d’en haut, de la sphère des élus de droite comme de gauche partageant les privilèges de l’élite régnante. Et cela est encore plus vrai à l’échelle internationale où des institutions à vocation humanitaire d’aide au développement telles que la Banque Mondiale et le FMI ont largement montré qu’elles servaient d’abord les intérêts privés de l’impérialisme marchand au détriment de l’intérêt général des peuples.

À titre d’illustration, il suffit de rappeler l’échec de la prise en considération de la taxe Tobin par les institutions internationales. Alors que cette taxe n’a que des vertus, puisqu’elle permettrait d’une part de dégager près d’une centaine de milliards de dollars par an pour l’aide au développement des plus misérables de la planète, tout en contribuant d’autre part à stabiliser l’économie mondiale en freinant la spéculation par une taxe sur chaque transaction si dérisoire en elle-même qu’elle n’affecterait essentiellement que les opérateurs de robots numériques spéculant en microsecondes, cette taxe qui au final ne peut être bénéfique qu’à nous tous, incluant les marchés financiers eux-mêmes, n’est toujours rien de plus à ce jour qu’une chimère pour rêveurs idéalistes.

C’est ainsi que l’association ATTAC qui a fait de la taxe Tobin son fer de lance, malgré son déploiement international, sa reconnaissance publique et son travail formidable, s’épuise en vain depuis 17 ans à essayer de convaincre les instances politiques décisionnaires de la mettre en application. Et ce qui échoue depuis 17 ans, c’est sa tentative de moraliser le sérail de l’élite régnante en s’adressant aux représentants de ces instances de pouvoir, comptant sur ceux-là même qui détiennent les leviers du pouvoir pour imposer des règlements financiers plus vertueux.

Or il est grand temps de réaliser qu’on ne fera jamais bouger le pouvoir venu d’en haut par la voie de la moralisation. Si une solution aussi limpide que la taxe Tobin qui est aisément applicable (dès lors bien entendu qu’elle serait ratifiée par toutes les nations), qui fait la quasi unanimité et est bénéfique à tous reste lettre morte, que dire alors des autres solutions judicieuses envisagées par autant d’économistes alternatifs… Et c’est pourquoi il est aussi grand temps de réaliser qu’on ne doit plus compter sur les instances de pouvoir venues d’en haut pour opérer un changement positif au service de l’intérêt général, car on ne fait qu’épuiser son énergie en pure perte à vouloir les convaincre du bien-fondé de solutions qu’elles n’auront jamais la volonté d’appliquer.

2 – D’où la nécessité de se tourner vers le bas

La reconnaissance de la réalité de cette impasse est le premier pas révolutionnaire qui doit nous convier à rapatrier toute cette énergie gaspillée pour la diriger là où un authentique pouvoir d’agir sur le système financier est en train de s’élaborer. Puisqu’aucune solution venue d’en haut n’est envisageable, c’est vers la base du collectif humain qu’il faut nous tourner désormais pour y trouver le foyer de véritables solutions émergeantes.

Ces solutions sont aujourd’hui à l’état de graines qui commencent cependant à germer avec force sur un sol extrêmement fertile étendu sur toute la planète. Elles proviennent de la lame de fond d’un renouveau créateur mondial, bouillonnement citoyen sans précédent de recherches, d’innovations, d’expérimentations, d’initiatives qui ont toutes en commun de se reconnaître dans la conscience d’un nouveau paradigme en rupture radicale avec le vieux paradigme de la société de la croissance post-industrielle dans laquelle nous sommes toujours enlisée. Elles traduisent la volonté d’un pouvoir d’agir sur le système financier en provenance de la société civile, entre les mains de la société civile, et qui a vocation de se développer horizontalement dans le terreau de la société civile, dans la base même du collectif humain sans avoir à passer par le haut et avec au final une capacité de fonctionner sans pouvoir centralisateur. Enfin, tout en ayant leur champ d’investigation et originalité propres, elles reposent toutes sur l’impérieuse nécessité de créer un instrument monétaire non privatisable, au service de l’économie réelle en rendant le pouvoir de création monétaire à la collectivité. Autrement dit, elles s’attaquent à la racine même du pouvoir de l’empire financier, de sa richesse démesurée et de l’esclavage de la dette à laquelle il nous condamne.

3- Force de mort contre force de vie

Le système financier mondial ne peut pas être « soigné » par le haut à coup de réformes et de réglementations qui ne sont que des sparadraps et rustines dérisoires posés sur un corps gangrené et pourri jusqu’à la racine. Il est voué à dépérir parce qu’il appartient de plain-pied au vieux paradigme qui est devenu un vieillard sénile perclus de dysfonctionnements et de maladies pour être de plus en plus déconnecté de la réalité des enjeux du Vivant de l’humanité d’aujourd’hui. Une oligarchie constituée de 1% de l’humanité trône au sommet de la pyramide financière en s’accaparant presque tout le pouvoir et une richesse faramineuse. De ce fait, elle est la gardienne du vieux paradigme, de ce vieillard sénile qui n’en finit pas de se dégrader mais qui lui reste si profitable qu’elle fera tout pour le maintenir en vie afin de maintenir ses privilèges. C’est pourquoi cette oligarchie est une force de sclérose, d’inertie, de statu quo, en un mot de mort qui perçoit toute perspective de transformation profonde comme une menace. Pourtant la transformation est inéluctable, et le vieux monde finissant la subit malgré lui à travers des crises à répétition qui disloquent à chaque fois un peu plus sa carcasse rigide avant son effondrement final.

Malgré la résistance de la force de mort, la force de vie finit toujours par l’emporter. C’est la loi universelle du Vivant qui ne connaît pas de stagnation mais se renouvelle sans fin sur les décombres de ce qui meurt. Une nouvelle force de vie commence à se manifester à la base de la pyramide, au sein de la société civile, sous la forme d’une multitude de bourgeons qui se nourrissent du corps en décomposition du vieillard en trouvant en lui son fumier nourricier. Cette multitude de bourgeons émanent d’un activisme citoyen planétaire en pleine effervescence, ils sont la vie renaissante porteuse d’enthousiasme qui annonce et prépare un nouveau monde, une nouvelle société délivrée des fléaux actuels de l’humanité parce qu’elle les traite à la racine, depuis la base de la pyramide là où seule une transformation en profondeur est possible.

La force de mort et de sclérose soutenue par les puissances régnantes peut résister encore un certain temps, mais le temps justement joue contre elles. Le vieillard va continuer inexorablement de vieillir, ses crises vont s’aggraver, la souffrance et la dislocation de son corps corrompu vont s’intensifier, et les valeurs des tenants du vieux paradigme vont se révéler de plus en plus aberrantes et monstrueuses. Du fait de son fonctionnement toujours plus pernicieux, déséquilibré et autodestructeur, l’empire financier est condamné à s’effondrer tandis que les bourgeons naissants du renouveau créateur sont destinés à le remplacer en préparant les fondations d’un nouvel ordre financier révolutionnaire qui va se développer sur ses décombres. Cette révolution est inéluctable, la transition est d’ores et déjà amorcée et plus rien ne l’arrêtera. Elle porte le renouvellement de la force vive de l’humanité, sa force d’avenir qui ne peut que croître et gagner en crédibilité à mesure que de prochaines crises financières nous frapperons inéluctablement, où pendant que ces catastrophes affaibliront l’empire financier, ces mêmes catastrophes fourniront aux solutions citoyennes innovantes une ouverture, un appel d’air et un levain pour se déployer toujours plus.

Plus vite nous cesserons de croire aux valeurs du vieux paradigme pour nous secourir, plus vite nous cesserons d’alimenter de notre énergie le vieillard moribond pour le faire survivre en vain, plus vite nous détournerons notre attention du haut de la pyramide pour la tourner vers la base, plus vite nous brancherons notre énergie sur les bourgeons naissants du nouveau paradigme pour contribuer à les développer, mieux ce sera pour nous tous. De la sorte, nous allégerons les tourments du vieillard en acceptant de le laisser mourir de sa belle mort. De la sorte, nous aurons davantage de contre-pouvoir, de force de vie pour contrer la force de mort de l’oligarchie régnante. De la sorte, nous pourrons engager la transformation profonde qu’exige notre monde avec plus de douceur, en réduisant l’impact transitoire de ses crises et de ses fléaux.

4- Coup de projecteur sur les nouvelles pousses de l’ordre financier à venir

Dans la série d’articles qui vont suivre, nous allons nous focaliser sur le champ de recherche et de création de toutes les initiatives citoyennes qui préparent les fondations de l’économie financière du 3ème Millénaire. Celle-ci est de nature révolutionnaire parce qu’elle se déploie à côté, en parallèle ou en dehors du système financier actuel. Elle n’est par conséquent pas soumise à ses vicissitudes, mais a au contraire vocation à constituer un contre-pouvoir destiné ultimement à s’en affranchir complètement. Elle est centrée sur la racine du pouvoir financier qu’est la création monétaire, une création monétaire qu’elle s’efforce de s’approprier afin de pouvoir offrir équitablement à tous les citoyens un usage libre et gratuit de la monnaie.

Nous explorerons et développerons les trois grands courants que la constituent aujourd’hui :

  • Les monnaies locales complémentaires
  • Les monnaies inter-entreprises
  • Les monnaies libres

Ces trois courants distincts appartiennent à des cultures différentes qui sont encore assez éloignées les unes des autres. Mais leur développement les conduira immanquablement à s’interrelier dans le futur pour faire œuvre commune.

5- Un exemple révélateur

On terminera par un exemple historique qui résume tous les enjeux présentés dans cet article :

En 1932, du fait de la grande crise mondiale de 1929, Wörgl, ville autrichienne de 4300 habitants comptait 1500 chômeurs. Les impôts ne rentraient pas et la municipalité n’avait plus de ressources. Le maire décida alors de mener des travaux d’aménagement qui emploieraient les sans travail. Comme il n’avait pas de ressources, il créa une monnaie locale émise par la municipalité avec l’accord des citoyens et la garantie de la banque locale. La ville réussit ainsi à solder toutes ses dettes et put faire exécuter de nombreux travaux d’aménagement : routes, pont, canalisation, forêt. Il y eut du travail pour tous. Des économistes étrangers vinrent constater ce miracle : une ville qui sortait de la crise par ses propres moyens. Voyant ces résultats, plusieurs villes voulurent l’imiter. C’en était trop. La banque centrale d’Autriche, craignant de perdre son privilège d’émission de monnaie, attaqua le maire en justice et fit interdire les monnaies complémentaires.

Si le miracle de Wörgl n’avait pas été interdit mais encouragé par la puissance publique, des centaines d’autres villes auraient suivi son exemple, et c’est l’Autriche et l’Allemagne elle-même qui seraient rapidement sorties de la crise, avec pour conséquence assez probable qu’il n’y aurait pas eu de seconde guerre mondiale. Mais c’est le « privilège » d’émission de monnaie par la banque centrale qui l’a emporté, c’est-à-dire le droit des puissances d’en haut de maintenir le privilège de l’élite régnante de cette époque au détriment du peuple.

6- Invitation à l’action

Aujourd’hui, le bras de fer entre l’oligarchie financière toute-puissante et les revendications citoyennes de la société civile est plus que jamais d’actualité. Cependant, la donne a énormément changé depuis l’expérience de Wörgl. Plus de 5000 monnaies complémentaires et alternatives se développent à travers le monde. Une prise de conscience planétaire sans précédent émerge à l’égard de notre capacité à créer de nouveaux instruments monétaires aux mains des peuples qui soient de véritables contre-pouvoirs de l’empire financier, aussi bien que des facteurs de résilience et des bouées de sauvetage permettant de nous protéger des effets dévastateurs des crises financières à venir. Ce mouvement gagne chaque jour un peu plus en force, en crédibilité et en efficacité parce qu’il s’établit dans la trame du monde de la Communication, la trame révolutionnaire de la toile d’internet qui nous relie tous ensemble en nous donnant désormais les moyens technologiques de créer et faire circuler de la monnaie par la base sans passer par le haut, sans recourir à l’organe de contrôle d’une banque centrale.

Tout ceci est encore balbutiant parce qu’en plein chantier, en pleine innovation, en pleine expérimentation. Mais tout ceci est bien notre avenir qui va inexorablement se déployer parce qu’il contient la clé de notre émancipation. Portons-lui dès à présent notre attention, donnons-lui notre énergie, contribuons et participons à son essor, c’est le meilleur que nous pouvons nous donner à nous-mêmes ainsi qu’aux générations futures.

JE SOUHAITE ADHÉRER AU STÜCK, MONNAIE LOCALE DE STRASBOURG

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3 Commentaires

  1. Alena

    Oui, le « vieillard  » sous estime la force des bourgeons.
    Le nouveau paradigme est bel et bien en marche, n’en déplaise à Lollie Garchy.
    Tous les domaines de la société sont concernés, écologie, alimentation saine, respect du vivant, thérapies naturelles et alternatives, nouvelles formes d’éducation, humoristes engagés, ….tout ce contre quoi on lutte , se renforce. Donc, laissons ce que nous décrions, surfons sur le système tant qu il maintient un semblant de cohésion, ignorons le le plus possible, et agissons entre nous, localement déjà, les exemples et les initiatives se multiplient, faisons notre part de colibris. Les diverses intelligences conscientes et éthiques sont représentées dans tous les domaines sociétaux, incarnées par des personnes humbles et visionnaires.

    .

    Réponse
    • L'Appel de Mongo

      Merci Alena pour ce retour qui montre que nous sommes bien en phase (vous personnellement ainsi qu’une multitude d’autres potentiellement)… Ce n’est que le commencement et nous sommes bien à l’aube de l’heureuse Révolution.

      Réponse
    • Jacques

      Bonjour Alena.

      Ils se raréfient les humoristes engagés. En les évoquant , nous pensons peut être à la même personne … ?

      Réponse

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